François Chevalier

La quête

La quête, le passage, l’arche

La quête de soi
Le chemin vers soi et les autres
L’appartenance à un moi fragile et collectif

J’avais une identité laborieuse officielle, je traduisais des textes
Je suis également chercheur de sens, fragment de sens
Je suis une voix qui veut s’élever, un corps qui s’élance contre la gravité
Je suis un passage, un torrent endigué
Entravé par une blessure qui se dresse obscure, floue et refoulée
Je suis une ancre enfoncée dans un passé matériel qui alourdit mon présent
Je suis aussi une source écumeuse et pétillante qui jette des éclairs
Une parole souhaite émerger de ces nombreux carnets qui se remplissent à ras bord
Ce flot de mots sur lesquels une arche s’esquisse
L’œuvre documentée qui n’en peut plus de s’inachever
Je voudrais tant pouvoir me poser sans plus de luttes à mener.

 

Sur cet esquif, une ruche

Je fais un documentaire sur l’apiculture
Sur le thème de l’arche « structure de préservation du vivant »
Sur cet esquif
Qui se veut une arche à laquelle je m’identifie
Je tangue à contre-courant
Arche parfois immense qui engloberait l’humanité entière
Arche parfois minuscule de se fragmenter dans le gouffre des souvenirs perdus
Sur cet esquif
Il m’arrive de tergiverser dans une valse-hésitation sans musique où ma peine figée hurle muettement
Comme il arrive que ma joie s’unisse, sereine et silencieuse, avec d’autres corps, êtres ou esprits
Il est impossible de s’isoler dans un point de tangente.

 

 

J’ai suivi un apiculteur toute une saison
Une ruche vit dans ma mémoire
Elle y est captée, captive et en dormance, en devenir sur une table de montage
J’ai foi en sa survie, loin de moi sur la péninsule gaspésienne
Je tangue à contre-courant
Je me veux léger comme une abeille ivre de nectar
Qui dans son vol zen enfante le monde
Au zèle laborieux qui va de soi, qui part de soi,
Offrant son nectar par osmose à l’or nourri du moi collectif.

 

Je voudrais tant me laisser bercer, est-ce l’âge ou une certaine lassitude ?
La force est dans la douceur de l’aube que je souhaite éternelle
Me rappelant l’énergie, la ferveur naïve de ma jeunesse où je voulais rallier les forces de la conscience d’un soi universel
Une arche mythique aussi fragile qu’une bulle qui s’agglutine, qui gonfle et s’enveloppe de douceur
Cette arche se voulait un doux bouclier contre la toxicité, contre la destruction
Sauver la planète, me sauver moi-même
Communiquer, toucher, me laisser toucher
Sans cette blessure que je ne sais cautériser
Je suis ombre et je suis lumière
Je suis espoir et je suis lassitude
Et je danse léger sur la musique qui se pose discrète, muette, riche de promesses.